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Les mots barbares pour exprimer le mal-être au travail se multiplient. Après le burn-out et le bore-out, voici le brown-out. Il serait le syndrome de la perte de sens au travail. Illusion ou véritable souffrance ?
Les êtres humains et les appareils électriques ont une chose en commun. Ils sont parfois victimes de brown-out. Empruntée au domaine de l’électricité, cette expression anglaise désigne pour les appareils électriques, une baisse volontaire ou involontaire de l’intensité pour éviter la surchauffe. Pour les êtres humains, elle exprime une baisse de l’engagement, résultat d’une perte de sens au travail. Ceux qui en sont victimes travaillent sans se préoccuper de la qualité de ce qu’ils fournissent et démissionnent mentalement de leur poste en se désengageant pour se protéger et éviter d’atteindre le stade du burn-out. C’est l’anthropologue américain David Graeber qui a développé en premier le concept dans un article paru dans la revue britannique Strike! en 2013. Il explique que le progrès technologique, à défaut d’avoir réduit le temps de travail hebdomadaire, a fini par créer plus de tâches et plus de métiers inutiles. Les premiers touchés selon lui, sont les cadres dans l’industrie, les PDG ou encore les avocats d’affaires, sur qui il a basé son étude. Mais parler de brown-out en soi a-t-il vraiment du sens ?
Burn-out, bore-out, brown-out… Ces mots viennent vulgariser des travaux sur lesquels psychologues et chercheurs en management planchent depuis longtemps. « Il n’y a rien de nouveau dans le phénomène du brown-out. Ne pas trouver de sens à son travail a toujours existé, encore plus au temps où la robotisation n’avait pas soulagé l’Homme des tâches répétitives », explique Jean-Denis Budin, directeur fondateur du Credir, une association qui accompagne les professionnels dans leur phase de transition.
Contrairement au bore-out, qui exprime l’ennui par sous-charge de travail, le brown-out est la perception d’un travail dénué de sens. En découle une certaine lassitude ou un cynisme de celui ou celle qui en est victime. À l’inverse du burn-out, il n’est pas un état de crise et ne se manifeste pas de façon violente sur le plan psychique ou physique. En revanche il toucherait bien plus de personnes. Une étude publiée par Corporate Balance Concepts, menée auprès de 1 000 dirigeants américains a conclu en 2013 que 40% d’entre eux souffraient de brown-out.
Le quotidien britannique The Telegraph listé dix comportements et sentiments qui vivent et ressentent les personnes en brown-out :
Si vous en êtes arrivé là c’est que vous avez peut-être été victime d’une erreur de casting. En d’autres termes vous occupez un poste pour lequel vous n’êtes tout simplement pas fait. Dans ce cas, le recruteur et vous-même êtes fautifs. Le recruteur parce qu’il vous a mal jugé. Vous-même parce que vous avez mystifié le poste ou avez forcé votre enthousiasme pour être recruté à tout prix.
Chez d’autres, la cause du brown-out relève plutôt d’une négligence du corps : « Le brown-out mais aussi le burn-out, sont causés principalement par une mauvaise hygiène de vie », avance Jean-Denis Budin. Selon lui, le sommeil, primordial pour la récupération du corps et de l’esprit, est négligé par les personnes en brown-out : « Avec l’arrivée des tablettes et autres smartphones, on assiste à une hyperactivité numérique chez certains. S’ils sont utilisés jusqu’au moment du coucher, ces outils peuvent court-circuiter les cycles du sommeil », analyse-t-il. Et mener in fine vers un manque de récupération pendant la nuit, qui peut jouer sur l’humeur du lendemain.
Dans d’autres cas, le brown-out et le burn-out résultent d’une apnée du sommeil, syndrome trop peu diagnostiqué, qui touche 5 à 7 % de la population française* : « Elle pollue la phase du sommeil qui traite la mémoire émotionnelle », résume le fondateur du Credir. Les émotions de la journée sont ainsi mal traitées, ce qui selon les travaux de Gary Fireman, médecin et chercheur à l’université de Suffolk à Boston, peut entamer notre créativité et jouer sur notre capacité à percevoir les choses sous un jour nouveau. De quoi rester coincé dans une frustration certaine.
Il y a enfin des causes extérieures. Le travail lui-même s’est transformé et a vu apparaître l’instauration d’une dimension commerciale et/ou managériale dans des professions techniques : « L’ingénieur qui travaillait autrefois dans un bureau d’études sans trop de relations interprofessionnelles n’existe plus. Aujourd’hui, il doit aussi gérer la gestion d’un budget ou la prospection client », illustre Philippe Zawieja, chercheur associé à Mines ParisTech et auteur d’un Que Sais-je sur le burn-out. Des personnes autrefois expertes sur leur domaine se retrouvent à gérer d’autres domaines plus éloignées de leur cœur de métier. Parallèlement, l’évolution professionnelle rime désormais avec responsabilités managériales. Plus on est haut dans la hiérarchie plus la gestion de l’humain prends le pas sur l’expertise métier. C’est pourquoi il faut être vigilant quand on propose ou que l’on accepte une promotion : « Le désavantage, c’est de devoir assumer les autres et d’être obligé de gérer des dossiers qui n’entrent pas dans la définition des fonctions », analyse Philippe Zawieja. Le risque ici, est d’être à la fois débordé par le travail et influencé par les plaintes des autres.
Dans la plupart des cas, le brown-out est un mal relevant de la perception. Comme solution, Philippe Zawieja préconise un changement radical : « Une promotion, une démission ou un changement de poste dans l’entreprise », conseille-t-il. Autant de choix permettant d’intégrer un environnement nouveau et inconnu mais qui ne garantit pas une rechute quelques années plus tard.
Des cadres, choisissent une alternative encore plus radicale en reconvertissant dans l’artisanat : « Les dimension de temps, d’engagement corporel dans le produit créé et l’exigence de qualité séduisent les cadres », explique le chercheur. Mais là aussi, être artisan c’est s’assumer comme une petite entreprise et donc gérer des tâches complètement extérieures au métier au risque de retomber dans la spirale du manque de sens. Finalement, le remède parfait pour se soustraire du brown-out serait le même que celui qui soigne la lassitude : éviter la routine en préférant le changement.
Article rédigé par François Fossey – Dirigeant PerfHomme Nouvelle Aquitaine – La Rochelle
Cadremploi – Brown-out : que se cache-t-il derrière ce nouveau syndrome qui touche les cadres, publié le 09 novembre 2016, par Quentin Velluet